Épinard 🌳 #24 - Et si on avait déjà l’argent de la transition ?

Hello les Épinards 🌳 !

Aujourd’hui, on va prendre un pas de recul par rapport à nos analyses habituelles sur les secteurs qui feront la transition de demain et à nos sélections d’investissements à impact.

Pour aller vers un thème plus macro : le financement mondial de la transition.

Un coût exorbitant, inabsorbable pour les finances publiques : pour les critiques, financer la transition à hauteur des estimations viendrait détruire notre capacité à innover ou à créer de la richesse et du progrès.

Récemment, un post nous a intrigué tous les deux à quelques jours d’écart ; un message d’Eva Sadoun (l’entrepreneuse derrière Lita.co) qui relayait une étude de la Banque Mondiale sur l’impact des subventions et analysait en détail 3 secteurs : les énergies fossiles, l’agriculture et la pêche.

La conclusion ?

Via les subventions publiques, on envoie collectivement un “pognon de dingue” dans des activités qui ruinent la planète et ralentissent la transition.

Or le montant des subventions aux activités délétères est sensiblement équivalent aux besoins de financements pour la transition.

Du coup, comme on adore les grands rapports, les ordres de grandeur et les questions fondamentales (mais surtout, qu’on vous aime tellement qu’on veut vous épargner les 300 pages de la Banque Mondiale), on vous partage la synthèse de nos enseignements sur le sujet.

Vous allez voir, certains passages semblent plus proches d’un plaidoyer de Greenpeace ou d’un discours des Soulèvements de la Terre que de revendications des plus grandes institutions capitalistes mondiales. On a parfois écarquillé les yeux tellement on n’est pas habitué. ☀️

C'est parti !

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La transition, combien ça coûte ?

En un mot : cher.

En 2 mots : bien cher.

Les estimations sont évidemment très difficiles sur un périmètre aussi large, mais on a eu ces dernières années quelques tentatives de qualité.

🌍 Le dernier rapport du GIEC, par exemple, a proposé une fourchette du coût à l’échelle mondiale, qu’il situait entre 2 200 et 4 200 milliards de dollars par an.

Entre 2.3 et 4.4% du PIB mondial.

(On est plus sur une fourche qu’une fourchette à ce stade.)

🇫🇷 En France, un rapport récent de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz commandé par le gouvernement a chiffré l’effort pour tenir les objectifs européens de réduction de gaz à effet de serre à horizon 2030 (-55% par rapport à 1990).

Résultat : 67 milliards par an, environ 2.5% du PIB français.

À titre de comparaison, le coût de la crise du Covid pour les finances publiques en France a été estimé à 140 Milliards par le gouvernement = environ 2% du PIB par an sur la période 2020 - début 2022. L'ordre de grandeur est proche : la transition, ce serait donc un grand “quoi qu’il en coûte” permanent.

Les estimations, exprimées en % de PIB, sont assez cohérentes entre elles. Et s’accompagnent toutes du même commentaire : c’est cher aujourd’hui, mais ce sera plus cher demain si on laisse s’échapper la possibilité de contenir le réchauffement climatique global à 1,5 - et surtout - à 2 degrés.

Subventions “brunes” vs. Transition “verte” : les impôts financent les énergies fossiles

« On dit qu'il n'y a pas d'argent pour le climat, mais il y en a, il est juste aux mauvais endroits. »
Axel van Trotsenburg, directeur général senior de la Banque mondiale - qui n’a pas dû se faire que des copains dans ce rapport.

L’étude de la Banque Mondiale, mentionnée par Eva Sadoun, liste et estime les montants des subventions publiques aux activités les plus polluantes ou destructrices de l’environnement : les subventions dites “brunes”.

3 secteurs étaient analysés :

• Les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon)
• L’agriculture conventionnelle
• La pêche intensive

Leur résultat ?

• 1 250 milliards de $ par an en dépenses publiques directes : l’argent des gouvernements
• 7 250 à 12 050 milliards de $ par an, si on y ajoute les subventions “implicites” (par exemple les coûts pour dépolluer, les dépenses de santé induites par la pollution atmosphérique ou pour limiter les effets du changement climatique)

Subventions vs Coût de la transition : déshabiller Paul pour habiller Jacques ?

Le résultat est marquant, car il place le coût de la transition dans la fourchette des subventions existantes.

Il laisse à penser que l’argent est déjà là ; qu’il suffirait de le flécher différemment.

Pas besoin de “nouvel argent”, vraiment ?

« Si nous pouvions réutiliser les milliers de milliards de dollars dépensés en subventions inutiles et s'en servir à des fins meilleures et plus vertes, nous pourrions relever bon nombre des défis les plus urgents de la planète. »
Toujours Axel, épisode 2

Pas faux, même si ce n’est pas (si) simple.

Pour s’en convaincre, il est utile de regarder ce qui se cache derrière les “subventions”.

• Dans le cas du pétrole, du gaz et du charbon, ce sont principalement des aides qui ont servi à abaisser artificiellement le prix pour le consommateur final.
• Dans l’agriculture, il y a des subventions aux intrants, mais là aussi, une large partie permet de soutenir les cours de certains produits agricoles.

C’est une réalité : nos sociétés, dépendantes de ces produits, ont besoin d’être protégées de la volatilité des cours sous risque d’embrasement social.
On peut contester le montant du bouclier tarifaire sur les prix de l’électricité et du gaz (plusieurs dizaines de milliards par an, on y revient), mais il était socialement inacceptable de ne pas le mettre en place - même si c'était pour financer au même moment et dans les mêmes proportions des parcs éoliens ou solaires.

Le montant des subventions illustre un fléchage insuffisant.

Si nous sommes condamnés à court terme à subventionner les énergies fossiles, ce sont le montant et la vitesse de réallocation des subventions qui posent question.

La France est d'ailleurs un exemple hyper intéressant.

En 2023, les finances publiques prévoient de financer à hauteur de 45 milliards d’euros les énergies fossiles - via le “bouclier tarifaire” qui limite artificiellement le prix pour le consommateur final. Et de subventionner à hauteur de 1.1 milliards les nouveaux projets d’énergie renouvelables.

40 fois moins, donc.

Cette proportion est-elle normale ? Ou souhaitable ? Non.

Nous avons besoin d’un débat public beaucoup plus fort aujourd’hui sur la vitesse de la transition et sur l’utilisation de l’argent commun.

Imaginer flécher toutes les subventions vers des investissements durables est illusoire (et plutôt démago), et il n’y a pas d’interrupteur permettant de switcher les flux immédiatement.

Pourtant les conclusions des rapports de la Banque Mondiale et de Pisani-Ferry sont très claires : il faut changer d’échelle dans le financement de la transition.

Étant donné leur ampleur, étant donné leur coût implicite, la réorientation des subventions néfastes doit être une priorité des politiques publiques.

C’est un des chemins à suivre pour passer du monde d’hier au monde de demain.

Gaël & Jean-Marc

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C'est la fin de cette édition avec un angle plus "macro-économique".
On a bien aimé se plonger dans ces rapports. Dis-nous ce que tu en as pensé ci-dessous 👇.

On se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle édition.

PS : Toutes les éditions précédentes sont dispos ici. Elles sont rangées par grand thème pour que tu puisses t'y retrouver facilement.

👋
Gaël 🌳